Jurisprudences 2ᵉ trimestre 2023 : quoi de neuf en urbanisme règlementaire et opérationnel ?

Crédit image : Tingey Injury Law Firm

Tous les trimestres une revue des jurisprudences et évolutions règlementaires dans le domaine de l’urbanisme règlementaire et opérationnel.

Rappel sur l’articulation de l’autorisation d’ERP dans le cas des “coquilles vides”

La jurisprudence a en effet préféré le terme “autorisation spécifique” pour éclaircir ce point. Or, le Conseil d’État confirme qu’à condition de faire mention de la nécessité d’une autorisation spécifique dans l’arrêté de délivrance, un permis de construire avec un ERP dont l’aménagement intérieur n’est pas connu à ce moment est légal, ce sans nécessité une autorisation préalable au permis.

Ou comme expliqué plus simplement dans l’analyse de la décision du Conseil d’État :

“Le permis de construire ne tient lieu ni d’autorisation d’aménagement ni d’autorisation de création au titre de la réglementation des Etablissements Recevant du Public (ERP) et sa légalité n’est dès lors pas subordonnée à la délivrance préalable d’une telle autorisation.”

‍Pour aller plus loin

On en a parlé plus longuement ici, avec une reprise de la procédure d’instruction dans son ensemble :  https://www.marionpeyrat.fr/posts-blog/decision-du-conseil-etat-instruction-erp-coquilles-vides

PUP, rappel des contours de ces contrats entre collectivités et promoteurs

Rappel qu’il s’agit d’un contrat de nature administrative, qui peut à ce titre être contesté par des tiers. Le second point du jugement porte sur la temporalité des délibérations : celle sur le périmètre et la clé de répartition des charges, si les travaux sont amenés à profiter à d’autres que le signataire de convention PUP et celle sur la signature de la convention. Il ressort du jugement que la première n’est pas un pré-requis dans le temps pour la signature de la convention.

On parlera plus longuement cet été de cet outil de financement, qu’il s’agit de bien manier, mais qui peut avoir, lorsqu’il est bien préparé et partagé, de vrais avantages pour les collectivités.

‍Pour aller plus loin

La décision du Conseil d’Etat n°464062, 12 mai 2023
À lire sur le blog d’Adden Avocat, mai 23

Enjeux environnement dans la planification : annulation d’un SCoT

“La cinquième chambre a retenu :
– une insuffisance de l’étude environnementale en ce qui concerne l’absence de justification du parti d’aménagement retenu par rapport à des solutions de substitution envisageables,
– une contradiction entre les objectifs du projet d’aménagementet de développement durable, prévoyant le développement d’un tourisme raisonné, respectueux des espaces naturels et tendant au développement touristique en dehors de la seule saison hivernale et les mesures mises en place par le document d’orientation et d’objectifs, consacrées pour l’essentiel à l’extension des domaines skiables,
– une erreur d’appréciation dans la définition de sept unités touristiques nouvelles, six concernant des projets liés aux domaines skiables et la septième étant relative à un projet de club Méditerranée à Valloire,
– une violation du principe d’équilibre prévu par l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, en privilégiant à l’excès le renforcement des équipements touristiques par rapport aux autres intérêts protégés par cet article

Résumé du Tribunal Administratif de Grenoble

C’est donc une annulation totale du document, aux vues des insuffisances pointées, une première dans les régions de montagne… le modèle de développement basé sur les stations de ski est ici sérieusement remis en question..

Pour aller plus loin‍

Le jugement du TA de Grenoble, 30/05/23
Articles sur Actu-environnement.com, 2 juin 23 -sur abonnement- ; le blog d’Itinéraires Avocats, 26 juin 23

Un cahier de prescriptions architectural peut-être opposable

Alors que leur assise légale est remis en cause dans la jurisprudence, il y a bien des cas où leur opposabilité est reconnue. S’ils sont parfois des palliatifs à des règlements qui ne rentrent pas dans ces aspects architecturaux, ou à des documents qui ne remplissent pas leurs rôles (OAP patrimoniale non utilisée), il existe aussi parfois des abus avec, par le biais de chartes sans fondements, la prise en compte d’éléments qui ne peuvent rentrer dans l’instruction d’une autorisation d’urbanisme.

Ici, dans un permis accordé avec une douzaine de prescriptions, le Conseil d’État donne raison à la commune sur l’opposabilité des prescriptions issues d’un cahier de recommandations architecturales.

“Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le règlement du plan local d’urbanisme renvoie à un “cahier de recommandations architecturales”, adopté selon les mêmes modalités procédurales, le soin d’expliciter ou de préciser certaines des règles figurant dans le règlement auquel il s’incorpore. Un tel document ne peut toutefois être opposé aux demandes d’autorisation d’urbanisme que s’il y est fait expressément référence dans le règlement et que ce cahier se contente d’expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement

Pour aller plus loin

La décision du Conseil d’État, n°461645 du 02/06/23
L’article sur le blog d’Itinéraires avocats, 20 juin 23

Tout ce qui concerne les autorisations d’urbanisme :

Retrait d’un permis : attention au respect de la totalité de la procédure contradictoire

Un permis de construire peut-être retiré par l’autorité l’ayant accordé, seulement dans les 3 mois suivant sa délivrance s’il s’avère qu’il est entaché d’illégalité. S’engage alors une procédure contradictoire, laissant le temps au pétitionnaire de fournir ses observations. Il vient d’être rappelé par le Conseil d’État que les observations orales doivent être reçues par la collectivité, et ce même si le pétitionnaire avait déjà formulé des observations écrites.

À lire sur le blog d’tinéraires Avocats, 28 juin 23
La décision du Conseil d’État n°465241 du 12/06/23

Certes permis = droit acquis, mais jusqu’où on remonte ?

En 2014, une commune signale à une société automobile que l’usage fait du terrain (stockage de véhicules) est contraire au règlement du PLU, approuvé l’année précédente, puisque le terrain est en zone agricole. Suite à cela, la société, locataire du terrain, résilie son bail.

La propriétaire se retourne alors contre la commune, faisant valoir son permis de construire obtenu en 1959.

Le Conseil d’État rappelle certes le principe de non-rétroactivité, mais pointe également que ce permis n’autorisait pas le stationnement de véhicules comme que la société en faisait usage commercial, car ce permis autorisait “au rez-de-chaussée, un atelier, des bureaux et des vestiaires-lavabos, et au premier étage, deux appartements”.

Le préjudice ne venait donc pas du classement en zone inconstructible de la parcelle et que les droits de la propriétaire n’avaient pas été méconnus dans l’affaire et à ce titre n’ouvrent pas droit à indemnités.

Indemnités pouvant être demandées lorsque le “propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi” de part l’instauration de servitudes (Article L105-1 du Code de l’Urbanisme)

La décision du Conseil d’État n°449820 du 02/06/23
À lire sur le blog d’Adden Avocats, juin 23

Évolution du droit favorable en cours de procédure : un permis modificatif reste nécessaire pour en bénéficier

Pour rappel, le vice d’une autorisation ou d’un projet peut être régularisé, à l’appréciation du juge administratif qui fixe alors un délai dans lequel le pétitionnaire peut faire une demande d‘autorisation modificative.

Dans ce cas, une évolution favorable de la règle d’urbanisme implique que le projet attaqué est désormais conforme au droit. Cependant, une autorisation modificative est nécessaire pour régulariser l’initiale, la régularisation n’allait pas de soi.

“En revanche, la seule circonstance que le vice dont est affectée l’autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme qui n’est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d’annulation, […], est insusceptible, par elle-même, d’entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande.”

Extrait de la décision du CE

“Ainsi, la régularisation de l’autorisation d’urbanisme initiale n’intervient pas de plein droit mais nécessite l’obtention, par le pétitionnaire, d’une autorisation modificative de régularisation.”

Itinéraires Avocats

À lire sur le blog d’Itinéraires Avocats, 25 mai 23
La décision du Conseil d’État n°464702 du 04/05/23


Pour aller plus loin

Les jurisprudences du 1er trimestre : http://www.marionpeyrat.fr/posts-blog/jurisprudences-t1-2023