Crédit image : Annie Spratt
Un décret de précision sur les dérogations possibles au PLU pour la mise en œuvre des dispositifs de végétalisation est paru en décembre 2022. L’occasion de revenir sur le sujet de la toiture végétalisée !
Toiture plate, toiture terrasse, toiture végétalisée : de quoi parle-t-on exactement ?
Fréquemment en débat, mauvaises compréhensions entre pétitionnaires et services d’instructions… les toitures plates/végétalisées sont souvent un point du projet qui fâche.
Dans nos régions alpines, cela se cristallise surtout sur la forme des toitures plates, également appelées à un pan, à priori peu compatible avec la gestion de la neige. La toiture plate est en effet souvent interdite dans les parties du règlement concernant les aspects et volumétries des nouvelles constructions.
Mais comment ces règlements peuvent être compatibles avec les mesures encourageant à la gestion de la biodiversité et de l’eau de pluie prises depuis une dizaine d’années ? Il est en effet interdit d’interdire ce type de dispositifs vertueux en terme environnementaux.
« Les toitures végétales favorisant la retenue des eaux pluviales relèvent de cette liste, à double titre. Elles constituent en effet des matériaux d’isolation thermique, au sens du 1° de l’article R.111-50 qui évoque expressément les végétaux en toiture. […] Par conséquent, et conformément à la volonté du législateur, les dispositions d’urbanisme, dès lors qu’elles s’opposent à l’installation de toitures végétales, ne doivent pas être appliquées”.
Réponse ministérielle N° 3140 du 8 janvier 2013
Mais toiture végétalisée ne veut pas forcément dire toiture plate !
Le principe de toiture végétalisée ne lui-même ne peut être interdit, mais des prescriptions architecturales peuvent être demandées dans le règlement, et le projet doit alors s’y conformer. Cela fut rappelé par un arrêt de la CAA de Nancy en 2018 :
“Si les toitures végétalisées font partie des matériaux mentionnés par l’article R. 111-50 du code de l’urbanisme [sur les performances énergétiques, ici pour les dispositifs de récupération d’eau de pluie que sont les toitures végétalisées. abrogé : nouveau texte R.111-23] , il ressort des pièces du dossier que la toiture de l’extension sera plate, alors que cette forme de toiture n’est pas la seule qui permet la mise en œuvre de couvertures végétalisées”
et à nouveau en 2019 par un autre arrêt, CAA de Lyon.
“Nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, le permis de construire (…) ne peut s’opposer[…] à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales (…) « . Toutefois, ces dispositions n’ont pas pour effet d’écarter l’application d’un PLU qui, sans interdire de tels matériaux ou procédés, proscrit les toitures-terrasses. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire du 3 mars 2014 a été délivré en méconnaissance des prescriptions de l’article Ua 11 du règlement du PLU relatives aux caractéristiques des toitures.”
Il juge également qu’un PLU peut imposer « des pentes minimales pour les toitures » , sans méconnaître le droit de réaliser une toiture végétalisée.
Toitures plates, toitures terrasses ou toitures végétalisées ? Que peuvent encadrer les règlements des PLU ?
On l’a vu, le principe d’une toiture végétalisée ne peut être interdit, mais des prescriptions peuvent être mises dans les règlements pour encadrer les formes des toitures.
Sélection de règlement de PLU et leurs caractéristiques pour les toitures
Certains prévoient d’emblée une dérogation, ne contraignant pas la mise en œuvre :
“La pente des toitures doit être supérieure ou égale à 40%. Toutefois, des pentes inférieures pourront être admises, dans les cas suivants :
PLU Bonneville (74), zone UH, article 11.3.1. Forme et volume des toitures, dernière modification du règlement écrit 2023
- extension de constructions existantes ayant une pente de toiture inférieure à 40%,
- constructions annexes ou traitements architecturaux particuliers : porches, auvents, coyaux, levées de toiture, vérandas…
- dans le cas de toitures végétalisées”
D’autres en laissent la possibilité, tout en mettant des conditions :
“Les toitures à un pan sont autorisées pour la réalisation d’une toiture végétalisée ou bioclimatique, non accessible.”
PLU Saint-Quentin-sur-Isère (38), zone Ua, article 11.3 Toitures des constructions, dernière modification du règlement écrit 2014
Certains règlements ne prévoient pas de dérogations pour les toitures végétalisées. Ici, les toitures végétalisées doivent s’adapter aux principes des pentes inscrits dans le PLU.
“Toitures :
PLU d’Izeron (38), zone UB, article 11 1. aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords – prescriptions paysagères, dernière modification du règlement écrit 2018
- les pentes de toit devront être supérieures ou égales à 30 %, sauf dans le cas de l’aménagement et de l’extension d’un bâtiment existant présentant des pentes de toit différentes ou pour les annexes détachées du volume du bâtiment principal.
- les toits à un pan et les toitures terrasses sont uniquement autorisés lorsqu’ils viennent s’appuyer contre une limite séparative ou pour les annexes détachées du bâtiment principal.”
Quels sont les apports du décret pour les dérogations au PLU ?
“En ce qui concerne les règles de hauteur, le dépassement autorisé est limité à 1 m afin de permettre techniquement d’installer ce type de dispositif tout en limitant les possibilités d’augmenter la hauteur de la construction.
Extrait de la notice du décret
En ce qui concerne l’aspect extérieur, est rendu possible pour l’autorité compétente la délivrance d’autorisation d’urbanisme dérogeant aux éventuelles dispositions des façades et toitures fixées par le règlement du PLU (R. 151-41) 1”
En résumé, ce décret vient, dans le cadre de la loi Climat et Résilience, élargir les possibilités de dérogations aux règles du PLU existantes aux dispositifs de végétalisation.
Comment le pétitionnaire doit-il justifier son projet ?
La demande de dérogation doit être formulée explicitement dans le cadre de la demande d’autorisation, c’est une pièce à fournir dans les demandes d’autorisation 2. Dans sa décision, l’autorité compétente visera les éléments de la dérogation, stipulant qu’elle y répond favorablement 3.
La question de “l’insertion de la construction dans ses abords, la qualité et la diversité architecturale, urbaine et paysagère des constructions ainsi que la conservation et la mise en valeur du patrimoine” reste applicable même dans les cas de demande de dérogation.
Autrement dit, la seule mise en œuvre d’un dispositif de végétalisation donne droit à des dérogations en termes de forme et d’aspect du bâti, mais doit toujours bien s’insérer dans le tissu urbain existant.
Petite note de vigilance quant à la bonne réalisation, entre une vraie toiture végétalisée, de fait plate et une toiture terrasse qui a été “végétalisée” pour être validée dans son autorisation.
Textes et références
- Article R.151-41 du Code de l’Urbanisme sur la qualité architecturale dans le règlement écrit ↩︎
- PC 40-3, PCMI 23-3 et DP8-1 : Une note précisant la nature de la ou des dérogations demandées et justifiant du respect des objectifs et des conditions fixées aux articles L. 151-29-1, L. 152-5 et L. 152-6 du code de l’urbanisme ↩︎
- Article L.151-5-1 du Code de l’Urbanisme sur les dérogations pour faciliter la mise en place de la végétalisation des façades et toitures ↩︎
Pour aller plus loin
Note juridique de l’AURG, février 2023
Sur les différents jugements et arrêts, le très complet article d’Altaï Avocats, septembre 2020 : Un PLU peut-il interdire une toiture végétalisée ?

