Instauration d’une “clause filet” pour l’évaluation environnementale

Crédit image : Alex Diaz

Jusque-là, l’évaluation environnementale concernait les projets en fonction de leur taille : ha de terrain concerné, m2 de surface constructible, etc 1. Avec l’instauration de la clause filet, les incidences notables d’un projet, même en dessous de ces seuils, serviront à déterminer s’il est soumis ou non à évaluation environnementale. Le décret du 25 mars 2022 en fixe les contours.

Pourquoi cette “clause-filet” ?

La France avait fait le choix de ne soumettre que certains projets, et en fonction de leur importance “physique” à évaluation environnementale (étude d’impact pour les plus gros ou étude au cas par cas pouvant déboucher à nécessité d’une étude d’impact pour ceux dans un certain seuil).

Suite à un contentieux dans lequel le Conseil d’État a donné raison à des associations de protection de la nature ayant attaqué le décret initial de 2018 sur l’insuffisance de ces critères (voir la décision). Le Conseil d’État a ainsi enjoint le législateur a changé cette approche sous 9 mois. C’est donc chose faite avec ce décret.

“Il en résulte, […], que les associations requérantes sont fondées à demander l’annulation du décret attaqué en tant qu’il exclut certains projets de toute évaluation environnementale sur le seul critère de leur dimension, sans comporter de dispositions permettant de soumettre à une évaluation environnementale des projets qui, en raison d’autres caractéristiques telles que leur localisation, sont susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine.

Extrait de la décision du CE

Dans la pratique, un impact sur les autorisations d’urbanisme

C’est la première autorité compétente saisie qui peut soumettre le projet à examen au cas par cas, y compris pour les modifications et extensions. Ce n’est donc pas forcément l’autorité environnementale. Cette autorité, qui peut donc être celle de l’autorisation d’urbanisme, à 15j à compter du dépôt pour prévenir le porteur de projet, à charge pour ce dernier de saisir lui-même l’autorité environnementale compétente. L’instruction visant à soumettre ou non le projet à examen au cas par cas doit se faire sous 15 jours. Le porteur de projet peut également de lui même saisir l’autorité environnementale.

Pour ce qui concerne l’autorisation d’urbanisme, lorsque cette soumission au cas par cas est demandée par le préfet, le délai d’instruction est purement suspendu à notification de cette décision 2. Cela permet le temps du montage du dossier d’évaluation environnementale par le porteur de projet, son examen et la décision, qui sera bien plus long que les délais d’instruction en urbanisme.

Limiter les risques juridiques en anticipant en amont du projet

Des fragilités juridiques sont cependant à craindre, notamment car la décision de soumettre à examen au cas par cas dans le court délai de 15 jours est un “silence vaut exonération” alors qu’en matière de droit de l’environnement, c’est généralement l’inverse. Pour poursuivre, voir cet article du Bulletin de Jurisprudence de Droit de l’Urbanisme.

Il ressort de ces évolutions que la prudence recommande au maitre d’ouvrage de se renseigner dès la phase de conception de son projet des autorités compétentes pour évaluer l’impact de son projet. Le calendrier de mise en œuvre se trouvera largement impacté s’il tombe par la suite dans la clause filet !


  1. Selon le tableau en annexe de l’article R. 122-2 du Code de l’Environnement ↩︎
  2. Préfet qui, rappelons le, est destinataire de toutes les demandes d’autorisation déposées en mairie ou intercommunalité dans la semaine qui suit leur dépôt ↩︎

Pour aller plus loin

Article d’Actu Environnement sur le début de la mise en place de cette clause filet (sur abonnement), avril 2021
Article d’Adden Avocat, reprenant toutes les modifications du Code de l’Urbanisme liées à cette clause filet, avril 2022